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JOSHUA REDMAN

La vie heureuse

Le mardi 30 avril 2024, par Laurent Sapir
Les faux enterrements de David Foenkinos, c'est une sacrée leçon de vie... Découvert en début d'année, son nouveau roman, "La Vie heureuse ", n'a rien perdu avec le recul de sa saveur et de son originalité.

Plus de trois mois après en avoir savouré la teneur et l'écriture, le charme du nouveau roman de David Foenkinos ne s'est en rien dissipé. Peut-être parce que ce récit à la fois léger, désenchanté et ponctué d'une fantaisie un rien macabre qui n'exclut en rien une certaine gravité, ressemble beaucoup à son auteur, ou du moins va de pair avec l'empathie qu'il dégage. On n'est bien loin ici du hiatus qu'inspiraient dans une vie antérieure la sensiblerie et la platitude de l'un de ses succès de librairie, Charlotte, dédié à la peintre Charlotte Salomon morte à Auschwitz.

Au cœur du récit, un homme au bout du rouleau qui va tenter de reprendre sa vie en main d'une drôle de manière au détour d'un voyage professionnel à Séoul. Tout va étrangement s'éclaircir pour lui lorsqu'il entre dans une boutique spécialisée dans l'organisation de fausses cérémonies funéraires, le rite étant paraît-il très en vogue en Corée du Sud. Faut-il, pour revivre, mourir un peu ou plutôt faire semblant de mourir ? À vrai dire, c'est plus dans son cheminement que dans le constat lui-même que Foenkinos excelle. Son personnage principal, Éric, un cadre qui bosse à Décathlon et qui vient d'être largué par sa femme, est irrigué du même spleen et du même aquoibonisme qui ont joliment pu nourrir ces dernières années un certain paysage romanesque hexagonal. Il est comme "en vacances de lui-même ", sombrant peu à peu dans une certaine léthargie.

Et voilà qu'il rencontre son contraire, Amélie, une ancienne amie d'école ambitieuse, intrépide, survoltée... et macronienne. Manageant le cabinet du secrétaire d'Etat au commerce extérieur, elle recrute notre ami et l'engage dans une autre vie, et surtout un autre rythme, au gré des marchés étrangers que ces deux-là prospectent pour tenter de décrocher des contrats en or. D'où le fameux voyage en Corée du Sud qui voit l'ex-cadre de Décathlon inopinément rattrapé par sa mélancolie et son désir d'appuyer à nouveau sur le bouton "pause ". David Foenkinos va donner à ce valse-à-l'âme le prolongement déjà décrit plus haut, lequel nous apparaît d'ailleurs d'autant plus surréel qu'il aura été précédé d'un socle de "réalisme" assez rare chez l'auteur de La Délicatesse en matière de description des jeux de pouvoir.

Voilà. On est prêt à pénétrer dans la boutique coréenne où la plus conviviale de hôtesses ("Elle n'aurait pas vendu des assurances différemment "...) vous explique la marche à suivre: votre cercueil, votre nom dessus avec votre date de naissance et votre date de mort, votre photo, l'épitaphe que vous formulez vous-même, tout comme un petit texte résumant le sens de votre vie et ce qui a été important. Ne vous reste plus ensuite qu'à rentrer physiquement dans le cercueil et à y rester un certain laps de temps. Ça vous ressource, paraît-il... Surtout quand en guise d'épitaphe, comme Foenkinos s'amuse à l'imaginer au micro de TSFJAZZ, vous citez Coltrane: A Love supreme... Ainsi surgit la sérénité au bout de ce beau roman virevoltant.

La Vie heureuse, David Foenkinos (Gallimard). Coup de projecteur avec l'auteur à écouter ici

 

 

 

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